Fragments de Futurs, une immersion dans 5 mondes futurs possibles pour mettre en débat nos souhaitables

Futurons ! Manufacture de Futurs Pluriels

Manifeste

Pour une permaculture des imaginaires

Nos imaginaires, comme nos sols, dépérissent.
Comme eux, si l’on n’y prend garde, ils finiront par être impropres à toute culture, autre que celle qu’érigent en modèle indépassable ceux-là même qui les ont pillés.

Nos sols.
Nos imaginaires.
Gavés d’intrants pour empêcher la prolifération de cette “vermine” qui justement leur donne vie.
Labourés à grands renforts de machines narratives, ressassement inlassable des mêmes épopées guerrières, récits apocalyptiques et fables d’une illusoire rédemption technologique.
Exploités, encore, toujours, comme une “ressource”, matière inerte qu’ils ne sont pas, parce qu’il le faut bien pour que “tourne le monde”.

Un monde.
Un monde où nos imaginaires réduits au rang de marchandises, comme nos sols, “ne donnent plus”. Plus comme ils ont donné. Plus comme ils savent donner quand on les respecte. Quand on ne s’emploie pas à les dominer, à les mater.
Où, vidés de leur substance, ils ne portent plus que des fruits sans saveur, calibrés pour flatter notre goût supposé du lisse, du semblable, du confortable.
Où, nos imaginaires, comme nos sols, dépérissent.

Ce monde, c’est notre avenir qui se ferme. L’avenir des possibles multiples, l’avenir qui déjoue les prophéties autoréalisatrices et trompe les scénarios tendanciels, l’avenir que nous rêvons et bâtissons meilleur.

Cet avenir, nos rêves de mondes meilleurs, nous refusons de nous les voir interdits. Nous refusons de nous les voir voler. Nous revendiquons notre droit légitime à rêver, écrire et façonner notre futur. Nous revendiquons de le féconder de nos imaginaires, libérés de toute forme d’exploitation et rendus à leur écologie propre.

La clé pour nous est là.
Des imaginaires libres.
Des imaginaires vivants.
Des imaginaires nourris de la rencontre d’autres imaginaires, de leurs influences plurielles, de leurs accords, désaccords, échos, résonances et dissonances.
Des imaginaires fertiles, qui ouvrent le champ des souhaitables.
Des imaginaires qu’il nous appartient de cultiver avec le même soin que la permaculture porte au vivant.

Nous revendiquons pour nos imaginaires

1. le soin comme fondement de la relation que nous nouons avec eux et le refus sans concession de toute forme de manipulation ou exploitation

2. la lenteur, l’observation patiente, l’écoute et la parcimonie dans l’action comme conditions essentielles à leur épanouissement

3. le respect de leur écologie propre qui prend en compte toutes leurs dimensions, prend acte de leur nature dynamique, impermanente, non linéaire, parfois instable et dérangeante et s’affranchit du dualisme qui les sépare du réel et nie leur puissance d’agir sur lui

4. l’hospitalité et l’inclusivité comme socle pour la création d’espaces d’échanges réciproques, débarrassés de toute forme de marchandisation, qui célèbrent la diversité et tissent ces liens dont notre avenir dépend

5. l’attention à l’altérité, aux bordures et aux marges, à la richesse des échanges qui y prennent place, à la fertilité des désaccords quand ils ne se résument pas à des luttes d’égo et à leur rôle essentiel dans la vitalité et la fertilité de nos imaginaires.

Nous, rêveur.euse.s impétinent.e.s, utopistes debout, éleveur.euse.s de vers, tisseur.euse.s de possibles, accoucheur.euse.s de souhaitables, nous engageons collectivement et solidairement à la promotion et à la diffusion de ces principes de permaculture des imaginaires par tous les moyens à notre disposition et sans compromis aucun avec les forces qui œuvrent à la destruction du terreau où prennent racines et s’épanouissent nos imaginaires dans toute leur réjouissante pluralité.

— Marseille, Paris, Saint-Malo, Juin 2021

Manifeste rédigé dans le cadre d’un projet de design spéculatif, avec le collectif MLI